3 stars à Estartit

Comme ça ne vous aura pas échappé, ça y est, les championnats du monde sont passés, les routes Quercynoises commencent à se couvrir d’une sournoise couche de feuilles mortes prêtes à vous faire voler tel un Candeloro au top de sa forme tentant un triple vrille retournée salade tomates oignons à la moindre erreur d’inattention, la piscine de l’archipel est désormais tristement (ou pas) vide, et il ne nous reste plus que le marathon de New York et le marathon international du beaujolais (plus beau marathon du monde) pour patienter entre deux raclettes durant ces interminables week-end froids et pluvieux avant le retour de la saison 2020 !

C’est également la saison préférée des retraités ayant survécu à la canicule pour nous laisser tranquillement profiter du marché le samedi matin en allant envahir la côte catalane afin de savourer les derniers rayons de soleil sur la plage.

C’est dans ce cadre que j’ai été missionné pour accompagner deux anciennes gloires du triathlon pour un week-end de détente en bord de mer. Je me voyais déjà allongé sur la plage, tongs aux pieds, binouse en main à me faire dorer la pilule pendant que les deux compères feraient la sieste tentant de récupérer après deux heures intensives de coinche !

Samedi en début d’après-midi, les deux grands-pères et moi-même avons donc fait route en direction d’Estartit, une petite station balnéaire sur la Costa brava. Après quelques arrêts pipi pour soulager leur prostate, nous sommes enfin arrivés à bon port. En arrivant, nous avons pris le temps d’une courte visite du port, les bateaux rappelant à mes deux compagnons de voyage leurs jeunesse à l’époque où le commandant Cousteau n’était encore qu’un adolescent ! Le vent souflant fort en ce début de soirée, nous nous sommes donc refugiés dans le seul restaurant qui n’était pas vide en bordure de mer, afin de « souper » comme ils disent, car les deux grabataires, épuisés par la route étaient pressés d’aller se coucher. Le restaurant était plutôt bon et le repas se passa sans accroc. Mais alors que nous allions comander nos desserts, papi Nico n’ayant visiblement plus toute sa tête, demanda une seconde assiete de pâtes, sûrement avait-il oublié la première ! Ayant un peu de peine de le voir dans cet état, je décidais alors de me forcer et de l’accompagner en prenant moi aussi une seconde assiette afin qu’il ne se torture pas l’esprit en se demandant pourquoi il est le seul à manger.

 

En sortant du restaurant, il était déjà 21h30, largement le temps d’aller se coucher d’après papi Jojo. Après avoir explosé mon flacon d’huile à l’arnica au milieu du salon, lors d’une discussion houleuse à propos du Général de Gaulle, faisant sentir le canfre à 28km à la ronde pendant 6 générations, mes deux séniors m’ont naturellement fait porter le chapeau, prétextant tous deux qu’ils n’étaient pas là au moment des faits, sûrement avaient ils encore eut une absence, en tout cas ça les arrangeait bien! Enfin ils décidèrent d’aller se coucher, me laissant quelques heures de répis avant un dimanche qui s’annonçait finalement pas si tranquille que ça en compagnie de ces deux énergumènes.

Je pensais être tranquille quelques heures, mais la nuit fût beaucoup trop courte. En effet, 5h30, branle-bas de combat ! Les deux loustiques étaient déjà sur le pied de guerre, sûrement ont-ils développé un sixième sens au fil des années afin d’être certains d’être les premiers à franchir la porte de la boulangerie, la raison de ce comportement ne trouvant aucune explication scientifique à ce jour.

Ce dimanche matin, les deux amis souhaitaient aller visiter les iles Medes en bateau. Nous sommes donc parti à l’aube, profitant du lever du jour sur la Méditerranée durant la traversée. Il faut avouer que le spectacle était grandiose et je commençais à comprendre pourquoi il y avait autant de monde dans le bateau à une heure aussi matinale. Arrivés à proximité de l’archipel, situé à environs 1500m de la côte, nos deux papis se sont jetés à l’eau en compagnie de tous les autres passagers, les gens sautaient par dessus bord, on se serait cru dans Titanic ! Mais qu’est-ce qu’ils font tous ? comment vais-je expliquer aux familles que j’ai perdu leur grands-pères dans l’eau, il fallait que je les retrouve!

Prenant mon courage à deux mains, je me jette à l’eau, puis j’aperçois papi Nico, je nage dans sa direction, je parviens à rester à son contact pendant environs 200m puis mes bras chétifs s’étant transformés en deux grosses patates je dois me résoudre à le suivre de loin, espérant que malgré son grand âge il réussisse à regagner la rive. Pas de signe de papi Jojo non plus, je décide donc de nager en direction de la plage aussi vite que possible afin de les retrouver, je l’espère, sains et saufs! J’appuie comme un goret dans l’eau entre deux vagues qui me submergent, le courant est fort mais après 26min de lutte acharnée et 18litres d’eau de mer avalés, j’arrive à me hisser sur la plage. En sortant de l’eau j’aperçois papi Jojo, juste à côté de moi, quel bonheur de voir qu’il s’en est sorti indemne, mais pas de signe de papi Nico. Tous ceux qui sortent de l’eau courent en direction du port, alors après avoir demandé à papi Jojo d’attendre sagement mon retour sur la plage, je m’élance en direction d’un parc où sont entassées environ 350 vélos, je saisis le premier qui me tombe sous la main et en avant! Les deux premiers kilomètres, vent dans le dos, je roule à plus de 40kmh, les jambes répondent bien, ça ne devrait pas être trop difficile de retrouver papi Nico, à son âge il n’a pas pu aller bien loin!

Au bout de 13km, alors que je remonte beaucoup de passagers du bateau, surement désireux de profiter d’une petite ballade tranquille dans les vergers espagnols après leur baignade matinale, toujours aucun signe de papi Nico. Encore pire, papi Ours me dépasse à un rythme insoutenable, oubliant sans craintes toutes les consignes de prudence de son cardiologue. Il doit surement se croire sur sa mobylette à l’époque où il fendait la bise cheveux au vent, pour aller chafouiner entre deux rouges limés au bal à Luzech !

N’en croyant pas mes yeux, je décide d’accélérer un peu mais je ne peux pas suivre la cadence de Jojo le chafouin, il va beaucoup trop vite pour mes petites jambes, sûrement grâce à sa calvitie, le rendant beaucoup plus aérodynamique ! Je donne tout ce que j’ai, profitant même de l’appui offert par une twingo garée à la sortie d’un rond point pour passer plus vite, une chance que le propriétaire ait pris soins de rentrer le rétroviseur, sinon il serait sûrement encore incrusté dans mon front. De retour à Estartit, je comprends qu’il va falloir encore courir après les deux zigotos. Mais j’ai tellement appuyé fort sur mes pédales que je ne suis même pas sûr de réussir à descendre du vélo. Une fois à proximité du garage, la gardienne me fait signe qu’il est interdit de rouler au au-delà de la ligne tracée au sol, apercevant papi Jojo au même instant, je saute du vélo en roulant, posant le pied sur la ligne au millimètre près tel un champion de saut en longueur sur la planche. Cependant la dame accoudée à la barrière d’entrée, devenant de plus en plus blanche au fur et à mesure que mon vélo et moi nous rapprochions d’elle, je dû freiner des 4 fers et ce fut un miracle que je réussisse à entrer dans le parc sans manger la barrière et la dame susnommé! Honnêtement, moi-même j’étais sûr que ça ne passerait pas!

En sortant du parc, papi ours ne se trouvait plus qu’à une centaine de mètres, courant comme si ma vie en dépendait, je parvins à le rattraper au bout de 1500m tout de même et c’est à ce moment-là que nous avons croisé papi Nico qui courait lui dans l’autre sens, ils vont finir par me rendre dingue ! courant toujours au même rythme et voyant que mes jambes semblent tenir, je décide alors d’accélérer, mais mon petit cœur s’emballe comme le jour où j’ai croisé le regard de la jolie blonde qui a gagné le Half Altriman, croquant amoureusement dans une barre protéinée en haut du col des Hares, impossible donc d’aller plus vite, au risque de flancher !

Au bout de 3 km je croise encore Papi Nico qui a de nouveau changé de sens, cette fois-ci il a complètement craqué, il tourne en rond sur le front de mer en plein soleil, sans ralentir, à son âge, c’est complètement inconscient, d’autant que son acolyte en fait de même ! Et ce n’est qu’après 3 tours du quartier qu’il décide enfin à s’arrêter, sûrement attiré par l’odeur de saucisses qui émane du barbecue organisé sur le port et comme par hasard, c’est à la buvette, bière en main que je retrouve l’animal ! Quelques minutes après, papi Jojo arrive également, il semble enfin être un peu fatigué! Soulagé de les avoir retrouvés sains et sauf après 2h12, de cavale pour papi Nico, 2h14 de poursuite pour moi et également 2h17 de cavale pour notre vieil ours des montagnes, je decide de les emmener à un atelier massage, pensant qu’ils se tiendraient plus tranquilles pour le reste de la journée. Mais à peine arrivés, papi ours sauta sur la table de la masseuse et lui raconta de vieux souvenirs en l’appelant « ma Lucienne » malgré le fait que ce n’était pas du tout son prénom ! Sûrement avait-il connu une Lucienne pendant la guerre. Pour ma part, c’est avec un kiné barbu et beaucoup moins attentionné que se deroula le massage et avec papi Nico, nous avons dû repasser 3 fois sur la table du barbu, subissant ses massages douloureux, avant que le vieux Jojo ne daigne finir de se faire dorloter par sa Lucienne !

Avant de repartir, j’ai tenu à les faire manger, nous sommes donc retournés dans le même restaurant que la veille car de toute façon ils ne s’en rappelaient déjà plus!

Après avoir chacun engloutit notre pizza bien méritée après toutes ces émotions, nous avons repris la route, avec pour ma part, un petit pincement au cœur. Car je dois bien l’avouer, ce fut tout de même un très beau week-end, entouré de mes deux petits vieux, nous avons profité de chaque instant, entre rigolade, bonne humeur et bien sûr un peu de triathlon, avec une météo parfaite une organisation sans failles, ce fut un bonheur de venir se faire péter le caisson en catalogne avec vous chers amis. Le jeune con que je suis vous remercie de m’avoir accepté parmi vous, de ne pas m’avoir mis trop la misère en course et de m’avoir permis de vivre ce super week-end.

Il ne me reste plus qu’à vous rappeler de rester bien au chaud pour passer l’hiver en attendant la saison prochaine avec impatience !

Ciao les amis !

Juju.